Tirées des recommandations établies lors des Rencontres nationales "Mieux vivre avec une hépatite C" à l’automne 2010 avec des personnes concernées par le VHC, 10 mesures "urgentes" sont mises en avant par Aides dans les domaines de la prévention et du traitement à l'occasion de la Journée nationales des hépatites du 25 mai.
"La lutte contre le sida a su répondre en son temps à l’urgence d’un problème de santé publique explosif. Aujourd’hui, nous sommes face à la même exigence et la même urgence avec les hépatites virales, affirme Aides.
En France, 100.000 à 150.000 personnes sont infectées par le VHC sans le savoir, et près de 500.000 personnes sont concernées par une hépatite virale B ou C. Les complications et cancers dus aux hépatites atteignent aujourd’hui de plein fouet les personnes contaminées depuis 20 à 25 ans.
Alors que nous nous apprêtons à vivre le "1996" des hépatites, avec l’arrivée de trithérapies hautement efficaces dans le traitement de l’hépatite C et de possibilités de dépistage étendues et facilitées, il est devenu urgent de déployer l’information, la prévention, le dépistage, le traitement et la prise en charge globale à la hauteur de l’enjeu qui est devant nous aujourd’hui.
Les acquis et l’efficacité de la lutte contre le sida doivent tous nous inspirer : Etat, recherche privée et publique, agences régionales de santé, associations, médecins et soignants. Il est temps de sortir les hépatites virales du silence et d’y mettre tous les moyens nécessaires. Temps d’engager la même énergie contre les hépatites que jadis contre le VIH, avec une réelle prise en compte du rôle déterminant des premiers concernés : les personnes touchées et celles plus exposées au risque d’infection. Temps du courage politique, et d’investissements adaptés pour la recherche, les associations, et le système de prise en charge.
Faisons plus de bruit autour des hépatites. Maintenant. C’est le moment ou jamais".
LES 10 MESURES URGENTES
Tirées des recommandations établies lors des Rencontres nationales "Mieux vivre avec une hépatite C" coorganisées par Aides à l’automne 2010 avec 175 personnes concernées par le VHC.
1 – Ne rien faire sans nous
La participation des personnes concernées et de leur entourage aux campagnes, plans, rapports, recommandations et actions de prévention, dépistage, éducation thérapeutique, et lutte contre les hépatites est indispensable.
2 – Evoluer vers une prise en charge globale et coordonnée
Une prise en charge de qualité ne peut être que globale, avec une meilleure coordination des soins et une approche incluant conditions de vie et conséquences psychiques et sociales de la maladie. Parce que guérir de l’hépatite C ne signifie pas forcément un retour à l’état de santé antérieur, il est indispensable de poursuivre le suivi et la prise en charge au delà de la guérison.
3 –Anticiper les conséquences des traitements pour mieux les accompagner
ANTICIPER doit devenir un leitmotiv de la prise en charge du VHC. Les nouveaux traitements additionnés à la bithérapie standard font gagner du temps et augmentent les chances de guérison, mais ils peuvent ajouter de nouveaux effets indésirables qu’il faut anticiper. La réussite thérapeutique ne sera possible que si la qualité de vie sous traitement est mieux considérée et mieux accompagnée : avec des moyens humains (associatifs, médicaux, psy, sociaux et éducation thérapeutique) et des conditions de vie décentes (mi-temps thérapeutique, revenus, absence de reste à charge limitant le soin).
4 – Reconnaître les besoins spécifiques à la coinfection VIH – Hépatite
La coinfection par le VIH et une hépatite virale ne se traite pas comme une simple addition de deux pathologies. La synergie délétère qu’elles imposent oblige à des réponses adaptées et spécifiques, en termes de traitement, de prise en charge, de recommandations et d’accompagnement. L’ensemble des autorités de santé, de la recherche et du système de soin doit y être plus attentif.
5 – Investir plus dans la recherche publique
L’engagement nécessaire dans la recherche, en termes de stratégies nouvelles de traitement, de gestion des complications et comorbidités ou de sciences humaines et sociales, ne peut se faire au détriment de la recherche VIH, dont les besoins restent importants. C’est un engagement positif dont nous avons besoin.
6 – Inciter la recherche privée à respecter ses engagements
Intégrer TOUS les publics touchés par les hépatites dans les projets de recherche moléculaire et thérapeutique en cours : en particulier les personnes co-infectées VIH – Hépatite, les usagers de drogues, les usagers de traitements de substitution aux opiacés, les femmes, les migrants… C’est là un engagement pris par l’industrie privée lors des conférences de Sitges (I, II, III).
7 – Dépoussiérer le catalogue de recommandations des experts
Les dernières recommandations médicales consensuelles françaises de prise en charge de l’hépatite C remontent à 2002. Alors que la prise en charge du VIH bénéficie de recommandations bisannuelles commandées par une lettre de mission ministérielle depuis près de 20 ans, on ne peut imaginer le bouleversement créé par l’arrivée des nouvelles thérapeutiques sans recommandations françaises pour soutenir une prise en charge de qualité.
8 – Prendre en compte tous les publics, notamment les plus vulnérables
L’accès à la prévention, à l’accompagnement et à la prise en charge doit s’adresser de manière adaptée aux personnes en situation particulière de vulnérabilité. Nous demandons l’accès aux programmes d’échange de seringue en prison, le droit au traitement et à la greffe pour tous ceux pour qui c’est médicalement possible et dans toutes les situations où la science en a montré l’intérêt. Sans a priori idéologique ou opinionisme.
9 – Oser une politique de prévention ambitieuse
Les recommandations de l’INSERM pour réduire les risques liés à la consommation de drogues (juillet 2010) doivent être mises en œuvre au plus vite : programmes d’échange de seringues en prison, éducation aux risques liés à l’injection, salle d’injection supervisée, prescription d’héroïne médicalisée… Il faut aussi améliorer la connaissance sur les modes de transmission (20% d’inconnus dans certaines statistiques) et sur les moyens de s’en protéger. Ce n’est qu’en approchant la réalité de ceux qui la vivent, en innovant, expérimentant, évaluant, et transposant rapidement qu’on avancera. En remplaçant les idées préconçues par une volonté forte et en attribuant des moyens censés, comme l’a montré la lutte contre le VIH, il se peut qu’on puisse vraiment lutter contre les hépatites !
10 – Etendre et diversifier le dépistage
Nous sommes sur le point de disposer de traitements plus efficaces pour éradiquer le virus au niveau individuel. Pour vaincre l’épidémie, il faut maintenant mettre le paquet sur le dépistage. Après 5 ans d’évaluation dans le champ du VIH, l’évidence est là : les tests rapides réalisés par des non médecins permettent d’élargir l’accès au dépistage et d’aller à la rencontre des populations les plus exposées. Il y a désormais la preuve du concept, comme le dit la science. Faudra-t-il encore attendre 5 ou 10 ans pour aider les 100.000 à 150.000 personnes qui ignorent leur statut VHC et leur éviter des complications potentiellement fatales ?
Aides